Néfaste adverbe : presque
Presque, un peu rien moins qu'il n'en fallait,
Pas tout à fait ce qui était escompté.
Suis une presqu'île, j'ai été rattaché
Au continent qu'avant de loin je voyais.
Ai été absorbé par le monde entier
Lorsque pourtant l'isolement me seyait.
Par ce mot "presque", on m'a arraché
Les particularités qu'avant j'avais.
Au fil des années,
On a avalé
Mon identité
Que je chérissais.
Si ça continue,
Je serai inclus
Au milieu des terres
Qui sont comme l'enfer.
Qu'un courant nouveau vienne me délivrer
De ce lien que je n'ai jamais désiré.
J'étais muet, on m'a transformé en langue
Qui m'écorche vif et rend mon être exsangue.
Faites que se répande
Ma juste demande !
Pour que l'on me rende
Ma chère légende...
...D'îlôt seulement accessible aux enfants
Qui ne sont pas encore devenus parents.
Que mon abord risqué ne soit réservé
Qu'aux hardis coeurs purs qui l'auront mérité.
Oyez ma complainte
Pour cette contrainte.
Ôtez moi ce "presque"
Qui me rend grotesque.
Je n'ai que faire de terres environnantes.
Ma survivance est sur une bien mauvaise pente.
Je veux retrouver la vie qu'on m'a prêtée
Et qu'un jour vos terres ont soudain confisquée.
J'ai été belle île
Au climat subtil,
Pour amis le vent
Et les flots dansants.
Mon avenir à l'eau,
Je n'étais qu'un îlot.
Je désire être à l'aise,
Jamais dans vos fournaises.
Je refuse vos pavés,
Laissez-moi mes sentiers,
Mes rochers acérés
Faits pour me protéger.
Je veux secourir mon herbe,
Enlevez votre adverbe.
Serais-je
devenu une presqu'île ?