Oh, le bien beau village !
Avec ses maisons imbriquées,
Toutes tordues, biscornues,
Ses génoises et ses murs penchés.
Oh, cette pierre irrégulière
A peine crépie de mortier,
Et ses arceaux centenaires
Qui résistent même pas jointoyés.
Vraiment un charme fou !
On n'en a plus chez nous.
Oh, ces voûtes et ces calades,
Ces perrons, ces balustrades,
Ces granges aux portes cloutées,
Ces gonds qui vivent rouillés.
Oh, ces cours pavées de galets,
Tous ces recoins ombragés,
Ces passages surplombés
De vignes ou de lierres agrippés.
Vraiment un charme fou !
Loin de la ville, loin de tout ?
C'est un village récemment classé
Parmi les plus fameux de la contrée,
Dans les guides touristiques,
Et même la numismatique.
Les ruines, les murailles et les toits,
Jusqu'à la place du marché,
L'église, le temple et le beffroi
Témoignent encore des belles leçons du passé.
Vraiment un charme fou !
A quoi ça tient-il d'après vous ?
D'abord à la venue des étrangers qui ont acheté
Et qui savent mieux que nous avec goût réhabiliter
Ces environnements dignes.
Ensuite, les autochnones s'alignent.
Et se mettent à restaurer
Afin de revaloriser.
Ensuite à la coutume oubliée
De construire selon son idée,
Et ses besoins minimaux,
Sans jamais en faire trop.
Tout le monde aidait, même le bedeau.
Les amis venaient au trot !
Vraiment un charme fou !
Ce sont vraiment des bijoux.
On est en fiers à présent.
Les anciens avaient du sentiment.
Ils charriaient poutres et bardeaux
A dos d'homme ou de bourricot.
Ils respectaient l'alignement.
Ils faisaient eux-mêmes les règlements.
Vraiment un charme fou !
Vous ne me bourrez pas le mou ?
Oyez, c'était alors banal,
Sans garantie décennale.
Pas de plan d'urbanisme.
Juste du sage empirisme.
Honte sur eux, les cadastreux
Et leurs protocoles désastreux,
Ont supprimé ce charme désuet
Que l'on louange en secret.
Alors...
Pas de permis de construire.
C'est ça vraiment qu'on admire !
Pas
de permis de construire !
Non mais, vous vous rendez compte du paradoxe ?
C'est ça qu'on admire !!!