Depuis des années
J'évite la ville.
Ne puis prospérer
Qu'en campagne, tranquille.
Loin des trains, des autoroutes,
Sereinissime est l'écoute.
Les taxis, les pétrolettes
Y prenant bien moins la tête.
Lorsqu'il fait trop chaud,
On se trempe dans le ruisseau.
L'ozone est plus pur,
Puisqu'en pleine nature.
Les tracas de la cité
Sont fortement atténués.
L'écho sourd des banlieues ternes
Y est heureusement minimisé.
La nuit règne plus tôt
Le silence est son dauphin, bravo !
La vie se déroule comme un escargot.
On peut rester à poil pour voir les crapauds.
Ça, c'était Campagne Première.
Passons à Campagne seconde.
Car étranges, inattendues,
Des nouveautés imprévues :
Une moisonneuse
Déchire la nuit
A des lieues d'ici
A minuit et demie.
Ses phares aveuglants
Nous la situent bien :
Elle est très très loin.
On ne le dirait point.
D'autres nuits, c'est des chasseurs
Des tireurs nocturnes ? Non
Les coups sont trop réguliers,
Soixante secondes comptées.
C'est la bombe automatique
Pour effrayer les rats et les sangliers
Qui voudraient se régaler.
Mais ça réveille tout le quartier.
Et dans la journée, il y a aussi du progrès.
Les paysans sans aucun doute insouciants,
Ennuyés par le chiendent,
Vaporisent leur venin
Tout près de notre jardin, bravo !
A perte de vue,
Les tracteurs sèment leurs OGM, bravo !
Ils irriguent leurs plantations
Des heures avec la bonne eau,
Qui donc est en restriction,
Mais pompent aussi l'eau qui s'épuise dans le ruisseau.
Adieu les crapauds. Adieu la baignade !
Les suaves senteurs naturelles
Seront bientôt dûment étouffées
Par un écobuage à peine contrôlé.
Le microcosme aura droit au bûcher.
Toutes ces belles moissons
Dans nos commissions,
Puis dans nos assiettes,
En truquant un peu les étiquettes.
N'empêche, ma campagne
Malgré tout de cocagne
Me la fera préférer
A n'importe quelle cité.
Tristes constatations...