Je gambadais, à folles enjambées,
Je galopais, ce faisant, je piaffais.
Je randonnais à travers les genêts
Avec mes soeurs et mes frères de lait.
Dans la prairie, c'était des courses folles,
Depuis je jour béni où je suis né.
Je dévalais en dingues cabrioles.
J'étais toujours d'une humeur très frivole.
Je profitais de chaque petit hasard,
Je m'abreuvais à l'eau douce de la mare,
Et je broutais l'herbe fraîche des prés,
J'étais joyeux, et donc je hennissais.
Batifolant sur mes longues guiboles.
Devant la horde, je faisais le mariole.
Et déboulant, je sautais les rigoles.
Si je voulais, je courais de traviole.
Mais un sale jour que j'aimerais oublier,
Des cousins à deux têtes sont arrivés.
En moins de deux, ils nous ont encerclés,
Et en moins d'trois, on s'est r'trouvés coincés.
Avec des cordes, ils nous ont emmenés
Loin de nos près, dans des enclos fermés.
Le lendemain, ils ont bien essayé
De m'enfourcher, mais je me suis câbré.
Malheur sur eux, car ils ont triomphé.
Faute d'issue, je me suis pacifié.
Après deux jours, j'étais domestiqué,
Oui, débourré, oh comme ce mot est laid !
Je suis perdu, étonné, étourdi,
Tout est nouveau, si désolant ici.
Ma faute, je sais, mais ils m'ont dominé.
A présent corvéable, j'ai honte pour mon clan.
Je suis esclave, jaloux de mes parents,
Libres d'encore folâtrer dans les champs.
Ils ne pourraient jamais imaginer
Comme ce poulain qu'ils avaient enfanté
Est déporté, privé de liberté,
De cavaler dans le vent de l'été.
On m'a passé dès lors la bride au cou
Le mors aux dents, c'est vraiment dégradant.
On m'a sellé, parqué et remisé.
Je n'peux que trottiner avec mon déguisement.
L'eau dans mon seau est à moitié croupie,
Le foin est fade avec goût de moisi.
J'avais toujours erré libre, sans nom.
On m'a nommé "Assagi" pour railler.
J'étais sauvage, transformé en mouton.
Autre façon de dire débourré.
Je gambadais, à folles enjambées,
Je galopais, ce faisant, je riais.
Je suis sellé presque toute la journée.
Je dépéris, car je suis résigné.
Le débourrage, c'est bourrin !