Qu'est-ce que tu veux faire plus tard ?
Me demande la rombière
Que me présente ma grand-mère.
"Je serai épicier"
Répondais-je, assuré.
J'épouserai ma cousine,
Elle fera la cuisine.
A ma seconde étape,
J'ai voulu être pape.
Plus tard moine ou curé,
Donc assez mal barré.
Pour moi, c'était l'âge d'or,
J'aurais dû dire alors :
"Je s'rai soixante-huitard",
Mais je l'ai su plus tard.
J'ai été un blaireau
Lorsque j'étais ado.
Des copains obligeants
M'ont fait du rentre-dedans :
"T'es sur la mauvaise piste,
Tu devrais être zartiste".
C'était en soixante-huit,
Une époque bénite.
Soudain j'ai pris conscience
De toutes mes gourrances.
Détruites, mon enfance
Et mon adolescence.
Une nouvelle espérance
Promettait l'abondance,
La fin de nos errances,
Arrivait l'alternance.
J'ai cru à l'âge d'or,
D'ailleurs, j'y crois encore.
Soixante-huitard, je suis,
Malgré votre dépit.
J'ai cru à la liberté,
J'ai même cru à la paix.
J'ai cru à la sagesse,
Comme une nouvelle jeunesse.
Mais la réalité,
C'est que j'me suis planté.
Mais à cet âge d'or,
J'aimerais y croire encore.
Oui, j'ai pris une mandale.
Mais j'garde mon idéal,
Où nous sommes tous égaux,
Charmants et conviviaux.
Où y'aurait plus d'misère
En aucun point d'la Terre.
Une nouvelle cratie,
Tous les pays unis.
J'ai cru à l'âge d'or,
D'ailleurs j'y crois encore.
Soixante-huitard, je suis,
Et ça c'est pour la vie.
Car croire à l'utopie,
C'est le sel de la vie,
Tout l'monde est quelque part
Un peu soixante-huitard.
Je le revends dick.