LE MIR

(Le vendredi 6 juin 2025)

A Formentera, j'étais connu pour mes chansons françaises que je chantais dans les restaurants. J'avais été contacté par le professeur de français du collège pour animer "des travaux pratiques".
Lors, je retournais en classe une fois par semaine avec ma guitare.
C'est chouette d'aller en classe pour chanter !
J'étais obligé par le professeur de toujours interprêter les deux qu'il préférait : "Aline" et "J'entends siffler le train". Ça m'emmerdait un peu, mais c'était une condition pour continuer. Et il me donnait mille pésètes à chaque fois, pas grand chose, mais pour moi, chaque doublon était vital en ce temps.

Mais là n'est le sujet. C'était juste une présentation de l'environnement.
Le prof, petit être sérieux presque coincé, conversait fièrement avec moi en français.
Un jour, il ne me parla d'un "mir". Et d'après le contexte, j'en déduisis qu'il voulait dire "mur". Je pris par là conscience que tous les "u" devenaient "i" dans sa bouche.

Trente ans plus tard, je parlais avec Pierre qui connaissait très bien le prof. Comme moi, il n'avait jamais osé le reprendre.
Mais il le fit. Et le prof, très très étonné, expliqua que quand il avait appris le français, on lui avait dit que s'il ne parvenait pas à produire le son "u", qu'il dise "i" à la place. Et il ne s'était plus posé de question.

Enseignant le français pendant au moins trente ans dans l'île, tous les îliens francophones aujourd'hui disent "le mir" (et sans doute "tirlititi chapeau pointi").

Et parfois, par facétie, en France, je dis le "mir" aussi (une occasion de digression afin de raconter l'histoire...).

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