CHARTIER
Pénétrez dans un univers
extraordinaire. Si vous ne connaissez pas, allez chez Chartier. Si
vous connaissez, retournez-y...
C'est à Paris, eh oui... Il y a plusieurs "Chartier"
à Paris, celui que j'évoquerai ici est le plus adéquat.
Il se trouve 7, rue du Faubourg Montmartre (métro "Grands
Boulevards", anciennement "Rue Montmartre")
et vous pouvez en avoir un aperçu à :
Visite 360 Chartier
J'allais, dans les années 70, assez souvent au restau à Paris.
Et je ne connaissais pas Chartier !
On y pratique la "cuisine bourgeoise", évidemment pas
spécialement dédiée aux bourgeois, mais plutôt
une bonne cuisine saine et variée, bien franchouillarde.
C'est une amie anglaise (!) qui me l'a fait découvrir, et j'en suis
resté mordu.
C'est resté tel que sous Zola. C'est ça qui fait son attrait.
Allons-y !
Remontant la rue du Faubourg Montmartre sur
le côté gauche, en face du Palace, un porche donnant sur
une courette. En face, une porte Arts Déco à tourniquet.
Selon l'heure, il faudra peut-être faire la queue mais jamais bien
longtemps. Vous serez pris dare-dare en charge par un hôte placeur
ou placier, et là, c'est la cantine, il ne faut pas faire la fine
bouche. On comble les vides aux tables.
Mais c'est la loterie bonnarde qui vous fera souvent rencontrer des gens
dignes d'être connus. De toutes manières, la rencontre ne
dure à priori que le temps du repas. Car ici, la convivialité
est de bon aloi. Et c'est tant mieux. Je n'ai pratiquement jamais regretté
d'être avec de nouveaux voisins, si divers et si contaminés
par l'"esprit Chartier".
Donc, on s'installe le plus souvent par tables
de quatre, mais d'autres, notamment à l'entrée, sont plus
longues. On est assis sur des chaises en bois d'époque, et au dessus
des têtes, des porte-bagages en laiton, comme dans les anciens trains.
Le couvert est mis, ou le sera très vite. Vous communiquerez également
avec votre serveur qui gère sa région de quatre ou cinq
tables. Mieux vaudra être bien avec votre serveur, malgré
leur impartialité. Ils sont étonnants de mémoire,
de célérité et d'acrobatie. Vous en verrez plusieurs
avec une douzaine d'assiettes sur le bras tendu, sortant des cuisines,
payant à la caissière dans sa chaire à vieille caisse
enregistreuse et criant "Chaud devant !" Ainsi pas d'entourloupe
et le serveur a également intérêt à être
bien avec son client.
Alors pour commencer, le fameux menu Chartier, imprimé à
profusion en rouge sur blanc avec un peu de vert, quotidiennement,
car les menus changent tous les jours. Les entrées sont au
nombre d'une dizaine, bien variées. Trois ou quatre poissons,
une douzaine de plats légumes-viande très variés
également, c'est là que j'ai redécouvert les
choux de Bruxelles. Puis, comme partout, des fromages, desserts, glaces,
café (pas toujours). Les prix très honnêtes sont
marqués en clair. On passe sa commande et on est servi dans
les cinq minutes.
A la fin du repas, si on est un habitué,
on fait son addition soi-même sur la nappe en papier. Le tout a
pris une demi-heure et on a bien mangé pour pas cher. Les clients
tournent. Chaque table a cinq ou six fournées de convives. Le premier
service commence à midi et les derniers trainards s'en vont à
trois heures. Beaucoup de retraités voisins et des employés.
Le second service est vespéral, à partir de six ou sept
heures jusque vers les dix onze heures. Là, la clientèle
est très disparate, beaucoup de touristes étrangers, des
futurs noctambules, n'importe qui d'intéressant.
Du côté cuisine, ça commence à neuf heures
du matin, ce sont partie cuisiniers émérites aidés
par des serveurs qui serviront donc quand tout sera prêt, et connaîtront
ainsi parfaitement les plats. Quand on est ex-cuisinier ou ex-serveur
de chez Chartier à la recherche d'une place, c'est une très
très bonne référence.
Chartier, c'est l'antithèse du fastfood américain, c'est
superbe, sympa, bon marché, rapide, contagieux. C'est en fait aussi
un fastfood, mais à la française fin XIXème siècle.
Et les choux de Bruxelles ! Chaque fois que j'en mange à présent
l'hiver, j'ai une pensée pour Chartier. Ma description date des
années 70, ça a peut-être un peu changé à
présent.