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J'arbore une petite tache sur mon meilleur pull-over,
Bien discrète, et je ne sais pas trop quoi faire
Pour m'en détacher, pour m'en débarasser,
Mais sans vouloir la froisser, je l'ai déjà cent fois lavé.
Dans la fibre, c'est incrusté profond à jamais.
Il faudrait faire un gros trou afin de la flinguer.
Elle vient d'un coagulant d'étancheïté,
Quand je colmatais le toit, ça s'était renversé.
On me dit que ça la fout mal, car négligé.
Je réponds : je m'en fous pas mal, c'est égal.
Que c'est mon pull-over préféré et qu'en fait,
Une toute petite tache ne peut lui ôter ses autres qualités.
Sur ce pull un peu marron, la tache est rosée.
C'est toujours mieux que si elle eût été bleu foncé.
Ce chandail n'est même pas élimé ni troué.
Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais l'utiliser.
Je comprends que dans notre foutue société,
On ne puisse dorénavant plus déroger
A une certaine stupide élégance raffinée,
Et qu'une petite tache devienne honnie, dénoncée, conspuée.
Je ne peux pas dire que j'en suis fier, ni me taire,
Mais elle ne me gêne aucunement, je suis sincère.
Mais tout le monde, mes soeurs, mes frères, mon père et ma mère
M'accusent d'entacher l'honneur de la famille entière.
La tache est sur la manche camouflée, ignorée.
En quoi cela pourrait-il les concerner ?
Le problème me paraît anodin, enfantin,
Mais les autres l'augmentent en faisant tout un tintouin.
Je continuerai à le porter, entêté.
Je suis bien dedans, donc assez critiqué.