Ecouter
Mon père, cet anti-héros au sourire si rare,
Avait toujours annoncé d'un ton très péremptoire
:
"Je serai centenaire, centenaire, vous verrez".
Il est mort à quatre vingt six ans.
Je ne veux pas attendre si longtemps.
Centenaire ! Dis-moi à quoi ça sert.
Ce calvaire ne s'use que si l'on s'en sert.
Ça sert à alimenter les pauvres faits divers
Dans les canards régionaux, c'est seulement pour distraire.
Les octagénaires et les nonagénaires
Qui rêvent qu'un jour dans leur journal,
Ils trouveront leur photo, c'est viscéral.
Centenaire, dans l'asile des grand-pères.
Tributaire de belles jeunes infirmières.
Un siècle n'est rien d'autre qu'une mesure arbitraire,
En fait, ni plus ni moins qu'un dixième de millénaire.
Infiniment moins que le Mathusalem
Qui alors fêta plusieurs centaines,
Mais ce furent des années valant la peine.
Centenaire, dans l'aile des cacochymes.
Bénéficiaire de douces toilettes intimes.
Ça dérangera en outre sûrement leurs enfants
Embarassés par la longévité du parent.
No comment.