Dans le vieux tortillard
Qui dessert toutes les gares,
Moi, voyageur hagard,
Fus victime des hasards.
Car sans crier Gare,
Notre convoi fut dépassé
Par un train de pensées.
J'en devins furibard.
Sorti par la fenêtre,
Je me hissai au toit,
Au risque peut-être
De tomber sur les voies.
Je gagnai la loco
Afin de la dompter.
Je me fis méphisto
Pour la faire feuler.
Assez péniblement
Nous gagnâmes du terrain
Et tout panache grondant,
Rattrapâmes le train.
Du tortillard, j'ai bondi
Tel un diable en furie
Dans le train de pensées
Afin de le freiner.
La cabine était vide,
Pas de fil conducteur.
Les pauvres pensées livides
Etaient mortes de frayeur.
Ce fou train, j'ai freiné
Pour qu'il aille comme à pied,
Pour que tout l'monde en gare
Le suive comme un corbillard.
Nous avons enterré
Toutes ces pauvres pensées
Pour qu'elle puissent s'abreuver
De nos pleurs très mouillés.
Plus tard, je suis allé
Sur leurs tombes délaissées
Pour lors les déterrer
Et les ressusciter.
Et puis le lendemain,
J'ai retrouvé le train
Tortillard, où peinard
Je pensais ces pensées.
Mais elles étaient frivoles,
Bonnes pour la casserole.
Je les ai cuisinées
Aussitôt arrivé.
Je pourrais peut-être dédier cette fablotte à Marion.