Il est deux heures, encore trop tôt pour me coucher,
Mais malgré l'heure, je t'ai appelée, c'est occupé,
Je sens un vide au fond des tripes, je vais manger.
Au fond d'la cave, j'ai déniché un vieux Tokay,
Je le conjugue au reblochon et pain grillé,
Et je sirote ce vieux Tokay encore fruité.
Emoustillé avant la poire, je veux un café,
Je me sens mieux. Au fond de moi, le feu renaît,
Ma vie défile, se rembobine, me pousse au crime,
J'atteins des cimes d'espoirs intimes,
Que j'imagine, ivresse sublime dans la cuisine.
Il est quatre heures sur le lit vide à peine défait,
Dans le reflet de la psyché, je me vois cerné,
Par un monde fade, dégénéré et sclérosé,
Je ne souhaite pas dans ce face-à-face y figurer,
Ecartons vite la tentation de se torcher,
Trouvons plutôt une solution pour échapper
A cette molesse, à cette paresse qui tire les traits,
Et tirons les avec ivresse sur le passé...
Un peu livide, mon verre se vide,
Et moi avide de le faire mien,
Nous sommes deux vins, deux vrais vieux toqués,
Pourtant renommés en vieux pinots grisés
Et cramoisés (et champlurés).
Allez, encore une p'tite lichette !
Oui, je sais, on n'a plus le droit d'appeler mon vin préféré
d'Alsace ainsi. C'est maintenant Pinot gris.
Ces histoires d'appellations et de classe sont ridicules.
A la fin, les derniers mots peuvent sembler obscurs à qui
n'a pas vécu les années où ces vins étaient célèbres.
Ce sont des vins de table à trois sous.
Et pourtant, ils existent encore et viennent justement d'être
reclassés "Vins de l'Union européenne".
Dans la maison "Patriarche", le rouge est "Cramoisay",
le rosé est "Champlure" et le blanc la "Lichette".